Vers l’infini et au-delà : Airbus versus les lois de la physique
Le présent tract est un résumé des réflexions et travaux de la commission environnement CGT Airbus, composée de syndiqué·es et d’élue·es / mandaté·es. Cette gazette sera distribuée en deux volets, la seconde partie de la gazette sera disponible dans 1 mois.
Pour ceux qui s’intéressent aux sujets environnementaux nous proposons une newsletter, si vous souhaitez vous y abonner.
Si l’impact environnemental de ce tract vous gêne, faites comme nous : mangez moins de viande, venez à vélo… Ou produisez un avion de moins cette année
1ère PARTIE : LES CONSTATS
“On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste”*
* Gébé, l’An01, Charlie Hebdo, 1970.
Cyclones, pluies torrentielles, inondations, sécheresses, canicules, réchauffement des océans, érosion de la biodiversité, appauvrissement des sols, limites planétaires dépassées…
Croissance, énergie et matériaux illimités, chaînes de satellites, IA, tourisme spatial, développement durable, greenwashing…
Accords de Paris, 1,5°C de réchauffement. Oui mais… En 2050… La France à +4°C…
“Être raisonnable. Être sérieux. Être confiant en l’avenir… La technologie nous sauvera… Nos enfants, nos petits enfants trouveront une solution, d’ici là en avant toute.
Le nez dans le guidon, suivre le rythme, la cadence de production, le plan.” Doubler la flotte malgré les plans de départs, puis d’embauches, puis d’économie. Travailler plus puisqu’on est moins et qu’il faut produire plus. Ne pas être payé·es plus par contre, s’appauvrir puisque nos salaires ne suivent pas l’inflation. Faire des heures supplémentaires, défiscalisées…
Tout cela pour quoi ? Pour des dividendes records, pour le cours de l’action, pour voir nos hôpitaux et nos écoles être saturés, fermés… Tout cela pour se prendre le mur plus vite, de plein fouet ?
Être sérieux·se, oui, ouvrir les yeux, poser le stylo, l’outil, le clavier… En discuter, toutes et tous ensemble.
La matière, l’énergie, l’eau, l’air, les forêts, les sols, sont des biens communs. Définir collectivement nos priorités. Comment ne pas nuire, vivre, laisser vivre et permettre la perpétuation de la vie ?
Apprendre à voir les liens qui sous tendent notre économie, les esclaves en bout de chaîne, loin de nos yeux, dans les mines, dans les décharges… Leur environnement détruit, les maladies, la misère… Les guerres, tensions géopolitiques dues à notre soif de matériaux, d’énergie.
Prendre nos responsabilités de citoyen.nes, réinventer un mode de vie non basé sur la destruction, l’exploitation, la souffrance humaine, animale, environnementale. Mettre en place une vraie démocratie. Ouvrons les cahiers de doléances Airbus. Quel futur voulez-vous, qu’est-ce qui vous manque, quels sont vos rêves, comment souhaitez vous qu’Airbus soit géré, voulez-vous prendre la main ou vous laisser guider ?
Limites planétaires, accords de Paris et aéronautique…
Les scientifiques ont défini des indicateurs correspondant aux limites planétaires, elles sont au nombre de neuf : changement climatique, biodiversité, cycles de l’azote et du phosphore, usage des sols, eau douce, biosphère, acidification des océans, couche d’ozone, aérosols dans l’atmosphère.
Les 6 premières de ces limites sont considérées comme déjà franchies.
Le GIEC documente et compile les données scientifiques sur les causes du changement climatique (“sans aucune ambiguïté d’origine humaine”), ses conséquences et sur les moyens de les réduire.
Depuis les accords de Paris (COP 2015), un budget carbone, permettant de rester sous les 2°C d’augmentation par rapport à l’ère pré-industrielle, a été défini et décliné par secteurs.
On connaît le secteur pétrolier et ses entreprises méga émettrices (TotalEnergies, Shell…) mais Airbus, en tant que fabricant d’avions dominant, fait partie du peu d’entreprises qui ont un impact mondial sur la trajectoire CO2.
Depuis les accords de Paris (COP 2015), un budget carbone, permettant de rester sous les 2°C d’augmentation par rapport à l’ère pré-industrielle, a été défini et décliné par secteurs.
On connaît le secteur pétrolier et ses entreprises méga émettrices (TotalEnergies, Shell…) mais Airbus, en tant que fabricant d’avions dominant, fait partie du peu d’entreprises qui ont un impact mondial sur la trajectoire CO2.
L’aviation concerne uniquement 10% de la population mondiale et le secteur aérien représente entre 2,5 et 7% des émissions de Gaz à Effets de Serre (GES) en fonction des conventions, périmètres de calcul (CO2, non CO2). Les émissions des avions Airbus représentent la même quantité de CO2 que celles émises par les 4 pays les plus riches de l’Union européenne (Allemagne, France, Espagne, Angleterre).
L’empreinte carbone est une déclinaison des accords de Paris, les postes les plus importants sont les transports, le chauffage et l’alimentation carnée. Un vol long courrier équivaut à l’émission de 2 tonnes de CO2, soit le budget moyen annuel par français.e si l’on veut tenir les accords de Paris en 2050 (objectif EU et France : zéro émissions nettes en 2050).
La déclaration officielle des émissions de CO2 d’Airbus est publiée dans le rapport non financier. Elle suit la norme Green House Gaz Protocol (GHGP) (chapitre 11, use of sold products). Cette déclaration est obligatoire depuis cette année, comme spécifié dans la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), issue du Green Deal Européen. La CSRD impose que la qualité de l’information sociale et environnementale soit du même niveau que celle de l’information financière. La publication d’informations erronées ou tronquées expose à des sanctions pénales et financières. Par exemple, la CSRD impose la divulgation de son impact sur le climat (émissions de GES), mais aussi des impacts du changement climatique sur son modèle économique (double matérialité). De plus elle doit publier sa stratégie de mitigation et d’alignement sur les accords de Paris (Airbus a choisi de suivre un engagement SBTI comme indicateur officiel). Cela oblige l’entreprise à la transparence et permet aux potentiels acheteurs des produits Airbus ou investisseurs d’agir en connaissance de cause.
Airbus voit d’un mauvais œil la directive CSRD et fait du lobbying afin que la directive soit “simplifiée”.
Les scopes d’émission de GES (Gaz à Effet de Serre) :
Le recours aux scopes d’émissions a été initié par le GHGP, qui a vu le jour en 1998. Les émissions de GES sont définies par 3 scopes : le scope 1 correspond émissions directes dues aux activités de l’entreprise, le scope 2 aux émissions indirectes résultant de la production d’énergie achetée et consommée par l’entreprise, le scope 3 couvre l’impact environnemental des activités en amont et en aval de l’activité de l’entreprise : produits et services achetés, transport, logistique, GES issus des produits vendus (donc de nos avions).
Processus SBTI (Science Based Target Initiative) : le tunnel spatio-temporel Airbus !
Afin de tenir la déclinaison de l’accord de Paris pour l’aéronautique, Airbus s’est engagé dans le processus SBTI. Cette méthode oblige les entreprises qui y adhèrent à suivre une méthode, définir une trajectoire et à montrer que celle-ci est tenue année après année.
La trajectoire SBTI ne couvre que le scope 3 amont d’Airbus, c’est-à-dire les émissions des airlines qui utilisent nos produits.
L’utilisation des avions représente 97% de l’impact environnemental d’Airbus !
Au global, le processus SBTI intègre deux engagements : un à terminaison de la trajectoire (2050 = zéro émissions CO2 net), un à mi chemin (par exemple 2035). Le groupe SBTi a défini une méthode pour le secteur du transport aérien (c’est-à-dire le scope 1 des compagnies aériennes), pour une trajectoire “well below 2 degree”.
La méthode pour une trajectoire “1,5 degrés” est en révision (interprétation plus récente et plus exigeante des accords de Paris). Cette méthode prend en compte des hypothèses sectorielles fixées pour le secteur (budget carbone, taux de croissance moyenne du secteur, feuille de route de déploiement des SAF (Sustainable Aviation Fuels ou carburants d’aviation durables), etc), et définit donc une trajectoire de référence en km/passager global, et un budget CO2 maximum. Cette trajectoire implique une intensité de CO2 par kilomètre à tenir, en fonction du nombre de km visé par la compagnie aérienne (part de marché sectorielle), pour ne pas dépasser le budget. Quand SBTi valide un engagement d’une airline, cela veut dire qu’avec cette intensité et le nombre de kilomètres parcourus, l’airline respectera bien une trajectoire compatible avec la trajectoire sectorielle globale compatible avec les accords de Paris.
Les engagements SBTI d’Airbus :
Scopes 1 & 2 : -63% d’émissions absolues de gaz à effet de serre d’ici 2030 et neutralisation des émissions résiduelles en ligne avec une trajectoire de 1,5°C
Scope 3 : -46% d’intensité des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035 en ligne avec une trajectoire « well-below 2°C » (et donc pas sur la trajectoire sous les 1,5°C).
Il est important de noter qu’Airbus utilise 2015 comme année de référence alors que celle définie par SBTi est 2019. La motorisation neo a été introduite en 2016, cela permet donc d’intégrer dans le calcul de base des émissions les versions d’avions antérieures à l’A320 neo et donc plus émettrices. Le calcul est donc bien plus avantageux pour Airbus en terme d’efforts de décarbonation..
Pour atteindre cet objectif différents leviers sont pris en compte : améliorations d’efficacité (avions ou opérations…) et principalement l’utilisation de SAF (Sustainable Aviation Fuel).
Airbus a négocié une adaptation de l’engagement de SBTI des compagnies aériennes, avec l’idée que son scope 3 correspond au scope 1 des airlines. Cette approche a l’avantage de correspondre au reporting de CO2 des livraisons airbus (Use of Sold Products GHG: USP). Par contre, elle crée un énorme décalage temporel de 12,5 ans, car les émissions calculées pour un avion courent de sa livraison à son retrait des opérations 25 ans après. Prenons le cas du calcul des émissions pour l’année 2025, il correspond pour les airlines à celles d’une flotte mixte avec des appareils acquis sur 25 ans, alors que, pour Airbus, il se fait sur l’évaluation des émissions des appareils neo livrés cette année et sur les 25 années suivantes d’exploitation. La réalité des émissions 2025 correspond aux calcul SBTi Airbus de l’année 2012 ! L’objectif affiché par Airbus n’est donc pas du tout en ligne avec l’objectif net zéro en 2050 des airlines et rend celui-ci impossible.
Pour que airlines soient net zéro en 2050, alors airbus doit livrer une flotte 100% net zéro au moins 12,5 ans avant donc en 2037… Ce qui montre que la communication d’Airbus sur le sujet est insincère voire mensongère…
Une question de choix…
A suivre : 2ème partie, l’analyse de la CGT et nos propositions :
Une stratégie réaliste ? Le narratif Airbus est il conciliable avec la réalité scientifique ?
Anticiper la transition, dès maintenant : face au risque de destruction de l’emploi, la diversification ?
La théorie du donut : ou comment combiner plafond écologique et plancher social…
Vers une sécurité sociale de la transition ? Une idée portée par la CGT
Quels rôles pour les salarié·es ? être partie prenante de la gouvernance.
Les sources de nos articles sont disponibles ci-dessous :
Limites planétaires, accords de Paris et aéronautique…
https://fr.wikipedia.org/wiki/Limites_plan%C3%A9taires
Processus SBTI (Science Based Target Initiative) : le tunnel spatio-temporel Airbus !
https://sciencebasedtargets.org/resources/files/SBTi_AviationGuidanceAug2021.pdf
Les engagements SBTI d’Airbus :
Scope 3 : -46% d’intensité des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035. La baisse de 46% de GES s’établit de la façon suivante : 22% dus au SAF, 24% dus amélioration produits (15% dus à l’évolution Neo / Ceo + 1% par an d’améliorations avion).
CGT Airbus Commercial Aircraft